Stephan Eicher

« Ainsi, il y aurait un homme, quelque part.

Et cet homme serait seul.

Il est allègre, il est ardent, il est droit comme une montagne, et fou comme le vent.

Il est seul, face à nous.

Il est seul avec nous.

Dans sa main se tient la Roue du Temps. Il la serre. Il ne veut pas la perdre, mais ne veut pas, non plus, la briser. Le Temps compte à ses yeux.

Cette Roue comporte sept arrêts, qui sont comme sept bornes. Sept étapes.

Sept chapitres tout au long de son chemin.

Et si cet homme est seul, il est aussi nombreux. C’est un gitan, c’est un conteur, c’est un chanteur ; avec lui il y a des histoires, des livres, de la musique, les vagues sourdes des océans, les pas légers des chevaux, et tant de fantômes. Avec lui il y a des pantomimes, des marionnettes, le jeu malicieux de tout déjouer.

Il y a avec lui une foule de rêves et de questions.

Cet homme n’est rien et c’est depuis ce rien qu’il peut prendre la parole.

Depuis ce ponton minuscule d’où il regarde la Vie.

Car cet homme regarde. Et pour oser regarder, il faut oser être vrai.

Il faut être libre.

Sa maison est une pièce.

Elle a des secrets, des labyrinthes, plusieurs passages. Et, au centre : un sablier.

Elle a un répertoire de chansons, un accordéon, un piano, une guitare, quelques cloches, le rythme d’une valse, ou d’un volcan.

C’est notre maison.

Elle n’a pas un seul mur, rien qui puisse séparer.

Depuis le seuil l’homme ouvre une conversation, une parole sans filet, qui rebondit sur ce que nous sommes, sur ce que nous offrons.

Alors tout va, et tout vient.

Ce n’est pas un spectacle, ce n’est pas un concert, ce n’est pas autre chose qu’une mise à nue nouvelle chaque soir, un moment de partage, le plaisir juvénile de tenter de changer, un peu, la réalité à partir de ce qui est traversé, imaginé, soulevé. Cet homme est un troubadour, une troubadouresse, un poète et une poétesse. Il est une princesse chevalier. Autant dire qu’il est un rendez-vous. »

KARELLE MÉNINE